Plagia or not Plagia

Une étude de Caspar David Friedrich

Comme je l’ai dit dans un précédent article, mon fils est moins participatif pour les portraits photo actuellement. Et j’ai trouvé cette astuce, qui consiste à le prendre de loin dans une « mise en scène » familiale, si possible de dos.

En analysant mes différents projets passés, je me suis rendu compte que ma principale faiblesse est la composition. Bien que techniquement justes, certaines de mes images ne fonctionnent tout simplement pas. Et je pense qu’il s’agit peut-être de lacunes liées au fait que je n’ai pas fait d’études en art. Alors, j’ai eu une idée : reprendre des peintures d’artistes que j’apprécie et qui, eux, n’ont aucun problème de composition ou de mise en scène. J’aime beaucoup le travail d’un peintre allemand romantique en particulier qui se nomme David Caspar Friedrich. Un homme torturé par une vie difficile, qui représentait des sujets humains vulnérables dans une nature puissante, belle et menaçante. Au départ, le projet me semblait louable avec une tentative artistique de refaire revivre ces peintures. Mais la question du plagia artistique m’est rapidement venue à l’esprit. 

A quel moment la copie est-elle utile et à quel moment est-elle en frein pour sa propre créativité. Parce que, soyons honnête, la copie ne sera jamais au niveau de l’original. Il y a une excellente vidéo d’un photographe incroyable sur le sujet qui s’appelle Sean Tucker que je vous partage ci-dessous.

Les points que j’ai retenu de cette vidéo est que l’imitation peut aider à perfectionner sa technique, à expérimenter différents styles, surtout chez les débutants. Mais que le risque principale est de ne jamais développer son propre style, sa propre voie artistique et de ne pas se démarquer des autres en surfant sur le succès de copies forcément moins bonnes. Sean Tucker recommande de ne pas imiter un seul artiste mais d’en sélectionner plusieurs, afin de diversifier sa vision et son apprentissage artistique. De ne pas reproduire trait pour trait, mais plutôt de s’inspirer de lignes directrices qui nous plaisent dans ces travaux sélectionnés. 

En rapport à mes travaux présentés en dessous, je ne peux pas dire que je me suis éloigné beaucoup de la version originale ou que j’aie suivi ses conseils. Voila les arguments que j’ai retenu pour m’auto-justifier dans cette imitation artistique :

1) J’entraine ma composition, j’analyse en détail l’œuvre, les lignes directrices, les plans. Au final, c’est comme un cours d’histoire de l’art, je creuse l’histoire de chaque tableau et j’apprends à connaitre le peintre un peu mieux.

2) J’obtiens des beaux portraits familiaux oniriques qui, au final, ne doivent plaire qu’à moi.

3) Je visualise d’une façon plus réaliste et immersive ce que le peintre pourrait avoir vu ou imaginé.

4) Je perfectionne des compétences techniques de montage, en créant notamment des éléments introuvables comme l’arbre mort du tableau suivant.

Fun fact : ce projet m’a occupé durant une quarantaine COVID. En effet, seul dans une chambre durant 10 jours, j’ai eu beaucoup de temps pour concevoir mes paysages en détails sans avoir à sortir de mon lit.

Zwei männer in betrachtung des mondes

Le tableau représenterait Caspar lui-même avec son collègue August Heinrich en contemplation devant la lune. Ils font une pause dans leur promenade du soir pour admirer la lune et venus (remplacées par une éclipse lunaire dans ma version). Il y a apparemment une fascination pour la lune dans tous les arts de la même époque. Les deux amis sont placés de dos pour que le spectateur puisse participer à la scène comme un troisième protagoniste et ainsi entrer en communion dans cette scène surnaturelle. Il  y a un lien entre le sacré et la nature dans les peintures de Caspar David Friedrich. C’est une description assez brève, il y a beaucoup d’informations disponibles sur le site du MET sur ce lien.

Pour ma version, je voulais garder le même nombre de protagonistes et j’ai trouvé que le tableau irait à merveille pour un portrait père-fils. J’ai fait en sorte que l’on s’oriente physiquement dans la même direction que les personnages pour conserver cette symbolique globale. Pour la prise de vue, on s’est placés devant une grande baie vitrée un jour nuageux et la lumière naturelle a fait le reste. Le plus complexe a été pour moi de reproduire le chêne mort, que je vais d’ailleurs partager librement ICI.

Pour le paysage, j’ai mélangé des collines nordiques, des plaines d’altitude avec des sapins, une colline avec une maison de maitre de Toscane et une photo d’éclipse lunaire.  

caspar david friedrich zwei männer in betrachtung des mondes caspar david friedrich photography portrait work

Der Wanderer Im Nebelmeer

A nouveau une peinture où le protagoniste se trouve de dos et où le spectateur se retrouve pris dans la contemplation de cette scène comme un témoin. Toutes les lignes de la peinture ramènent au sujet principal centré. Un côté calme se dégage de la scène, mais la posture du personnage laisse ressentir une certaine tension. Le paysage mouvementé et nuageux est utilisé pour ajouter une charge émotionnelle au portrait et l’utilisation d’un sujet de dos ajoute encore une couche de dramatisme. A nouveau, c’est une description assez brève tirée du site internet suivant.

De mon côté, j’ai gardé une composition similaire. Je voulais faire un autoportrait avec mon violon un peu plus dramatique ou visuellement plus percutant. Je trouve que le placement de dos laisse libre l’interprétation. On ne voit pas mon expression, on ne comprend pas forcément ce que je fais sur cette montage avec un violon. A mon avis, on peut y voir de la solitude, de la détresse ou, au contraire, de la contemplation, du calme. Peut-être que cette interprétation reflète ce que le spectateur lui-même ressent au même moment. J’aime l’idée de pas imposer un visage et de ne pas avoir besoin d’être bon acteur ou très expressif. On retrouvera ça dans ma série d’autoportraits qui seront présentés dans un prochain article.

Le portrait est très simple, en contre-jour avec une lumière d’appoint pour déboucher les ombres. Le paysage a nécessité passablement d’éléments différents. J’ai créé le « brouillard » avec de la glace carbonique. Il suffit de plonger des cubes de glace carbonique dans de l’eau bouillante et la magie opère. Il faut bien faire attention à se couvrir les mains (risque de blessures sérieuses). Pour les Suisses, la Migros livre les surgelés avec de la glace carbonique. Il suffit d’être gentil avec le livreur. Je laisse gratuitement le fichier ZIP avec toutes les différentes photos de fumée carbonique que j’ai utilisé pour mon projet ICI. Selon demande, je peux faire une démonstration, mais l’idée est que la fumée est blanche et le fond noir. En utilisant des calques de fusion et en jouant sur les contrastes, on peut facilement intégrer la fumée dans n’importe quel projet. Pas besoin de « détourer » la fumée. 

 

Moonrise Over The Sea

 

Toujours dans la même ligne, cette peinture montre trois protagonistes de dos, regardant la mer Baltique et des bateaux. C’est une scène douce, symétrique, paisible. 

De mon côté, Je trouvais intéressant cette construction en diagonale avec une ligne qui part du coin inférieur droit et qui rejoint le coin supérieur gauche. Je n’avais jamais construit un paysage de ce type. Ou plutôt je ne m’étais jamais aperçu que mes paysages préférés suivaient souvent cette construction. De plus, c’était le premier paysage à inclure trois personnages, ce qui me permettait d’avoir la famille au complet (le fiston, papa et maman). J’aime l’interaction qu’il semble y avoir entre les protagonistes avec le troisième personnage sur la droite légèrement de profil qui semble parler ou regarder les deux autres. Le paysage est assez classique et facile à réaliser. Etonnement, le plus difficile a été de faire cette ligne de lumière sur l’eau à la limite de l’horizon, sous les nuages. En effet, dans la plupart des photographies de paysage que j’ai pu réunir la mer est sombre lorsqu’il  y a des nuages ou lumineuse lorsque le soleil est en contact direct avec la mer. J’ai du créer cette ligne artificiellement en jouant avec courbes et des dégradés. La deuxième difficulté a été de trouver ce type de rochers ronds. Je pensais initialement que Caspar les avait inventé de toute pièce, parce que je n’ai pas trouvé de plage en mer Baltique ayant ce type de configuration. Les miens viennent donc d’une plage en Nouvelle-Zélande : Les Moeraki Boulders. Mais entre temps, j’ai découvert que Caspar a utilisé des paysages d’une ile allemande du nom de Rügen au nord de Berlin. Et en regardant les photos de cette ile, j’ai trouvé ces fameux rochers. Je pense cependant qu’il a « triché » sur la taille de ces derniers. Dans un prochain article, je documenterai un petit voyage prévu bientôt sur cette fameuse ile pour reproduire un autre tableau en ayant cette fois les bons éléments initiaux.

 

 

Moonrise Over The Sea Caspar David Friedrich reproduction Moonrise Over The Sea Caspar David Friedrich

Die Träumer – Le rêveur

Pour la première fois, avec cette nouvelle peinture, le lieu représenté était explicite. Il s’agit d’un ancien monastère à Oybin en Allemagne « Oybin Kloster ». Donc, j’avais une base assez solide pour reproduire l’architecture et la mise en scène du tableau. Je crois qu’au niveau de l’analyse on reprend des éléments connus : un personnage de dos qui regarde un paysage incroyable, la place de spectateur actif. Je dirai que la nouveauté se trouve dans cette construction très verticale et c’est impression de hauteur avec ces arbres incroyablement longs. Je n’ai pas trouvé la même fenêtre et le même mur, mais j’ai trouvé une fenêtre plus courte et en hauteur avec une architecture similaire. Je ne sais pas si, à l’époque, il y avait un étage encore recouvert d’herbe, mais la fenêtre que j’ai trouvé est impossible à atteindre à pied.

 

oydin kloster

Au final, le plus difficile dans cette scène a été de reproduire fidèlement l’arrière-plan. Je n’ai jamais trouvé quel arbre il avait pu représenter et le mélange de couleurs et de contraste était compliqué à reproduire. J’ai opté pour des cyprès qui perdent leurs feuilles en hiver. La fenêtre en elle-même était relativement facile à reproduire d’après différents éléments du véritable monastère. Et j’ai ajouté un portrait de mon fils et moi pris en lumière naturelle sur le bord de la fenêtre avec le retardateur.

Je profite pour partager une astuce de retouche sur Photoshop que j’ai beaucoup utilisé dans ce dernier projet. Il me semble que c’est une nouvelle option qui n’existait pas auparavant et qui permet de « matcher » les couleurs deux deux images différentes. On prend une image comme référence et on peut ensuite varier l’intensité de l’effet d’une manière vraiment pratique et facile.  Voici le lien de la vidéo Instagram où j’ai découvert cette astuce. 

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Continuez votre lecture en consultant mon précédent article : Superpapa